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Des chimères dans la tête 

Pièce chorégraphique – conception Sylvain Groud, Françoise Pétrovitch, Hervé Plumet – chorégraphie Sylvain Groud – dessins et costumes Françoise Pétrovitch – musique et vidéo Hervé Plumet. Espace Boris Vian / Grande Halle de La Villette.

© Hervé Plumet

Le chorégraphe Sylvain Groud et la plasticienne Françoise Pétrovitch se sont donné rendez-vous pour la seconde fois et dans une tout autre démarche que lors de leur première rencontre artistique. En 2022, ils tournaient avec le spectacle Adolescent, créé en 2019 au Ballet du Nord / Centre Chorégraphique National Roubaix Hauts-de-France que Sylvain Groud dirige, une pièce pour dix interprètes où se côtoyaient la vitalité et la vulnérabilité des jeunes ados (cf. notre article du 11 février 2022).

Des chimères dans la tête prend d’autres sentiers et s’adresse prioritairement au jeune public. Les dessins de Françoise Pétrovitch croisent la création audiovisuelle d’Hervé Plumet et le geste ludique de Sylvain Groud. Cachés derrière un écran qui fait fonction de castelet sortent un bras, une jambe, apparaissent des mains le long de l’écran, comme des insectes. Des tâches de couleurs envahissent l’écran, des becs d’oiseau, des trompes d’éléphant, une queue de souris, un papillon, des boucs, un serpent, une belette, un chien, des rats. Les chimères sont comme un bestiaire dont on reconnaît plus ou moins les protagonistes. Les dessins se forment et se déforment au gré des divagations de créatures fantastiques imaginées, moitié serpent moitié poisson, moitié chèvre ou lion.

« Arrête de rêver, reste tranquille » entend-on. Une petite fille regarde. Plus tard elle saute à la corde et brave les interdits. Les trois interprètes – deux danseuses, un danseur (Charline Raveloson, Salomé Van Quekelberghe, Quentin Baguet ou Julien-Henri Vu Van Dung) marquent la distance de leur inventivité débridée et de leurs positions excentriques. Ils déjouent la pesanteur, devenant eux-mêmes chimères avec antennes et ailes, un peu poétiques, assez fantastiques, parfois fantasmagoriques, prolongeant le dessin et faisant vivre l’imaginaire par des métamorphoses incessantes et illusions optiques,

Ne pas sortir du cadre devient leur leitmotiv et une gageure qu’ils transgressent pour finalement tomber sur le plateau comme s’ils arrivaient d’une autre planète, en dernière étape du spectacle, donnant une vie pleine et entière à ces étranges créatures. Cheveux sans visage, longue perruque violette, tentacules de méduse, costumes excentriques, de Françoise Pétrovitch et comme exfiltrés de ses dessins. On se trouve face à un monstre et deux sirènes qui tournent et se balancent, rampent, tombent et se collent. Violet, rouge, vert. On dirait des mille pattes. Une pluie bleue tombe de nulle part. Les deux danseuses sortent, le danseur en solo disparait derrière les couleurs, ils réapparaissent tous comme par magie au-dessus de l’écran qui a viré au violet, et ressemblent à la figure de proue d’un navire. Passent un raton blanc, des chimères. Une écharpe vole. Ça monte et ça descend. Le dessin de la petite fille réapparaît. La danseuse devient son double et dessine la même gestuelles dans l’espace, avec  un certain mimétisme, sous des lumières qui la font virer d’une couleur à l’autre.

© Hervé Plumet

Entre fantasme et cauchemar, le geste travaille plutôt sur l’humour et la mimographie que sur la chorégraphie, sur le mirage. On passe de la couleur au blanc, on coupe le volume des images, l’un porte sa tête, des morceaux de corps flottent dans l’espace, on voyage de trompe-l’œil en illusions au sens de la prestidigitation. Les danseurs peuvent aussi devenir oiseaux, comme en rêve. Tout est dans la divagation graphique et gestuelle, on entre chez Dada et les surréalistes qui décalent l’univers et imaginent le leur, inhabituel et fantasmagorique. La couleur est un alphabet qui passe de l’écran au plateau. On se laisse dériver, tranquillement avec ces Chimères dans la tête. Même pas peur !

Brigitte Rémer, le 3 décembre 2023

Avec : Quentin Baguet ou Julien-Henri Vu Van Dung, Charline Raveloson, Salomé Van Quekelberghe – assistante chorégraphique Lauriane Madelaine – lumières Michaël Dez – réalisation costumes et accessoires Chrystel Zingiro et Élise Dulac assistées de Rachel Oulad El Mjahid et Capucine Desoomer – direction technique Robert Pereira – régie plateau Maxime Bérenguer – régie son Rémi Malcou.

Vu le 24 novembre 2023, à l’Espace Boris Vian de Grande Halle de La Villette. En tournée : 12 et 13 janvier 2024, au Louvre/Lens – 18 et 19 janvier au Trident/scène nationale, à Cherbourg – 1er au 3 février, Théâtre 71 de Malakoff – 8 au 10 février, au Figuier Blanc à Argenteuil – le 9 avril à L’Éclat de Pont-Audemer – 23 au 27 avril au Théâtre de Sartrouville/centre dramatique national. Contact :  Ballet du Nord, 33 rue de l’Épeule, 59100 Roubaix – site www. balletdunord.fr – tél. :  03 20 24 66 66.